Fugas de Estado: Perguntas e respostas
As reacções à publicação das mensagens diplomáticas dos EUA por cinco jornais correm todos os graus da escala, do inteligente ao patético. A chefe de redacção de “Le Monde”, Sylvie Kauffmann, esclarece hoje algumas das questões mais repetidas, num comentário que abre com uma citação de Zbigniew Brzezinski: «É catastrófico, mas não é grave».
Fuites d’Etat : questions et réponses
La publication des ” mémos ” diplomatiques américains par cinq journaux, dont ” Le Monde “, continue de susciter réactions et controverses
C’est catastrophique, mais ce n’est pas grave. ” L’ancien conseiller à la sécurité nationale du président Carter, Zbigniew Brzezinski, a choisi cette maxime pour décrire, à la télévision américaine PBS, la fuite massive de la correspondance du département d’Etat, diffusée depuis le 28 novembre par cinq grands titres de la presse occidentale –The New York Times, The Guardian, Le Monde, El Pais et Der Spiegel.
Catastrophique, cette fuite l’est par son ampleur, et par son caractère inédit. La diplomatie repose, en grande partie, sur la discrétion et la confidentialité, et voir ses télégrammes ainsi mis à nu sur la place publique constitue sans nul doute un cauchemar pour un ambassadeur. Paradoxalement, la décision de WikiLeaks, à qui cette correspondance est parvenue, de la mettre à la disposition de cinq journaux a suscité des réactions plus vives que celle de publier, en juillet et en octobre, des rapports de l’armée américaine sur la guerre en Afghanistan et l’occupation de l’Irak. Les militaires tuent, les diplomates sont inoffensifs : la fin, selon ce raisonnement, justifie les moyens. S’il n’est pas moralement répréhensible de publier des rapports militaires montrant à quel point les GI ont la gâchette facile dans les rues de Bagdad, trahir, en revanche, les secrets des ambassades serait ” criminel “. Les deux démarches, pourtant, émanent du même intermédiaire, WikiLeaks, qui se fait fort, grâce à la technologie, de révéler des documents confidentiels sans que l’auteur de la fuite puisse être identifié.
En France, la polémique sur WikiLeaks a été particulièrement virulente. L’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, par exemple, intervenu sur toutes les ondes pour dénoncer ” le totalitarisme masqué de la transparence “, n’a pas eu le flegme d’un Brzezinski. Par mauvaise foi ou par ignorance, de nombreux arguments ont été avancés à tort pour contrer l’initiative du Monde.
” Une transparence sans règles ni limites “ C’est inexact. Sur plus de 250 000 câbles diplomatiques, seuls 837 avaient été publiés, dimanche 5 décembre, au bout de huit jours de diffusion. Pour la première fois, WikiLeaks a laissé les cinq journaux partenaires faire eux-mêmes le tri des télégrammes qu’ils choisiraient de rendre publics, et s’est engagé à ne diffuser qu’ultérieurement les documents non utilisés, une fois toutes les identités sensibles marquées. Ce sera sa responsabilité.
” Une initiative irresponsable, qui met en danger des vies humaines “Au contraire, les médias se comportent ici de manière responsable, en expurgeant, à l’issue d’un travail commun scrupuleux et fastidieux, les noms dont la mention pourrait mettre en péril la sécurité de certaines personnes. D’autres indices permettant d’identifier ces personnes sont également expurgés.
Les autorités militaires américaines ont par ailleurs reconnu que la publication des rapports sur l’Afghanistan et l’Irak n’avait, jusqu’ici, pas eu de conséquences sur des vies humaines.
” Des secrets qui compromettent la sécurité des Etats “ Faux : d’une part, il ne s’agit que de télégrammes d’agents diplomatiques. Les documents transmis par les représentants de la CIA dans une ambassade, ou concernant des affaires de défense, ne font pas partie de cette correspondance du département d’Etat. D’autre part, les télégrammes du département d’Etat sont classés selon quatre degrés de confidentialité : non classé, confidentiel, secret, top secret. La masse de documents livrés à WikiLeaks ne comporte aucun document classé ” top secret “, et plus de la moitié relève de la catégorie ” non classé “.
” C’est de l’information monnayée “ Il n’a pas été question de payer ces documents et il n’y a eu aucune transaction financière entre Le Monde et WikiLeaks.
WikiLeaks est coupable de ” vol ” et les journaux sont ” complices Il appartient aux gouvernements de protéger leurs secrets, pas à la presse.
Tous les jours, dans tous les domaines, des sources, privées ou publiques, transmettent aux médias des informations ou des rapports confidentiels. Tous les jours, ceux-ci les publient s’ils les jugent dignes de foi et d’intérêt. Dans le cas de WikiLeaks, ces documents allaient, qu’on le veuille ou non, voir le jour. Autant les publier dans le respect de règles déontologiques.
C’est, précisément, la responsabilité des journalistes d’évaluer ce qui peut être publié ou pas dans ces informations ” volées “. Car dans la balance, il y a d’un côté l’exigence de confidentialité, le secret, la volonté des dirigeants de contrôler la communication ; et de l’autre le fait qu’en démocratie, l’électorat doit être informé, notamment de ce qui sous-tend la politique étrangère de son gouvernement.
Dans sa décision validant la publication des fameux ” rapports du Pentagone ” sur la guerre du Vietnam par le New York Times, la Cour suprême des Etats-Unis avait, en 1971, estimé qu’” il ne peut y avoir de peuple éclairé sans une presse libre et informée “. Plus récemment, la Cour européenne des droits de l’homme a fait valoir que non seulement l’information est un droit du citoyen, mais que le journaliste ” a le devoir d’informer “.
” Ces documents n’apportent rien de nouveau ” Un argument en totale contradiction avec certains des précédents. En réalité, outre certains épisodes fascinants, au fil des jours, les comptes rendus de ces télégrammes détaillent minutieusement la vision américaine du monde, continent par continent, pays par pays. On y comprend les ressorts concrets de la diplomatie Obama, une volonté obstinée de recourir au dialogue sans perdre l’arme du ” hard power “. Tom Friedman, du New York Times, y découvre à quel point les Etats-Unis manquent de moyens de pression, affaiblis par leur soif de pétrole et de crédit. Pour l’historien comme pour le citoyen, c’est un trésor qu’il n’aura pas à attendre vingt ou trente ans, avec l’ouverture des archives.
Et puis, il y a toutes les petites choses moins glorieuses qui font les relations internationales, dont sans nul doute nos anciens ministres des affaires étrangères et les chroniqueurs diplomatiques sont familiers. Désormais, ils ne sont plus les seuls : le grand public sait aussi.
Tout cela, pourtant, ne suffit pas. Après le tri et le récit, il reste à replacer cette masse d’informations dans leur contexte, à l’analyser, à enquêter sur des points restés troubles ou incomplets, à scruter les évolutions que provoqueront certaines révélations. C’est aussi du journalisme.
Sylvie Kauffmann
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